Blog de Bernard André

Mieux communiquer n'évacue pas tous les conflits !

Lorsque nous rencontrons l’altérité, nous pensons parfois qu’il suffirait de mieux s’expliquer, de mieux s’écouter, comme si la différence pouvait être dissoute dans une bonne communication, comme si le désaccord avait sa source dans un manque de transparence ou dans un manque de rationalité, qui empêcherait la mise en accord. Et lorsque cet accord fait défaut, on a tôt fait de reprocher à l’autre son manque de volonté pour aboutir à un accord, ou son incompréhension : l’adversaire serait stupide (incapable de comprendre), fourbe (feignant ne pas comprendre), désespérément obstiné (ne voulant pas comprendre) ou simplement menteur (ce ne serait plus de l’incompréhension, mais un refus volontaire de la réalité).
Certains titres d’ouvrages semblent accréditer la croyance que les conflits seraient produits essentiellement par des problèmes de communication, par exemple : « Gérer les conflits et les situations d'agressivité : « Les techniques de communication d'excellence » ; « La fin des conflits Parent/Enfants. Guide de communication parents/enfants pour des relations harmonieuses » ; « Dénouer les conflits par la Communication Non Violente ».
Si bien sûr la communication joue un rôle important dans les conflits, et c’est ce que nous examinerons dans ce chapitre, elle n’en est ni la seule cause ni le paramètre le plus important. Dit autrement, il est possible de bien communiquer ET d’être en conflit. Certes, n’importe quel conflit peut devenir plus compliqué ou dégénérer en affrontement lorsque la communication elle-même pose problème. Mais de là à réduire les conflits à des problèmes communicationnels est un raccourci qui, la plupart du temps, de mène nulle part.
Chaque conflit peut avoir des origines diverses, qui parfois se juxtaposent. C’est ainsi que l’on trouve des conflits mimétiques , dont l’origine peut s’exprimer sous la forme : je veux la même chose que toi. Que ce soit un territoire (conflit international), une promotion (compétition entre collègues) ou un jouet (conflit entre enfants), c’est la rivalité pour « le même » qui déclenche le processus conflictuel. D’autres conflits s’enracinent principalement dans un choc entre systèmes de valeurs incompatibles. Dans la mesure où ces valeurs sont non négociables, par exemple lorsqu’elles sont issues d’une « révélation divine », le conflit ne peut qu’être durable, et la grande difficulté revient alors à limiter la violence entre les fondamentalistes de chaque bord. Enfin, une troisième catégorie, mais nous ne cherchons pas à être exhaustif, a pour principal moteur un rapport différent avec la réalité : des perceptions ou des problématisations différentes de la situation entrainent des solutions qui s’opposent pour dépasser un obstacle : et parfois, le conflit se double d'un conflit sur le conflit !
Insistons sur ce point : la plupart des conflits n’ont pas pour origine première la difficulté à communiquer, mais l’histoire particulière de chaque personne. Cette histoire a été modelée par l’éducation, la culture, les évènements, les rencontres, et non seulement par ces éléments, mais surtout par la perception de ces évènements. C’est une histoire constamment retravaillée, complétée, élaguée pour tenter de donner sens aux évènements passés et actuels et à leur perception. C’est donc une histoire en mouvement, qui parfois laisse apparaitre tumultes, souffrances, contradictions, culpabilités, conflits intérieurs, souvent vite réprimés, mais toujours présents, même inconsciemment. C’est avec toutes ces ombres et toutes ces lumières que l’on rencontre les évènements et les autres, et que parfois les conflits apparaissent. Ce n’est donc pas simplement en améliorant la communication entre personnes que l’on va apaiser les tumultes intérieurs, et donc dissoudre tous les conflits dans une harmonie retrouvée.
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